Que peut-on tirer de positif du confinement ? Que laisser en place quand ce sera terminé ?

Le confinement est vu par beaucoup de monde comme une atteinte aux libertés individuelles, et donc quelque chose de très contraignant. Pour ma part, son côté temporaire m’invite pour l’instant à l’envisager plutôt comme une expérience sociale à grande échelle. C’est le moment d’envisager d’autres manières d’interagir (Les moyens de communications ne manquent pas). C’est le moment aussi de remettre en question un ensemble d’habitudes (Pourquoi partir à l’étranger au moindre congé scolaire alors qu’on vit déjà dans un endroit charmant et tout confort ? Pourquoi construire des universités et y déplacer des centaines de jeunes alors qu’il est possible de suivre des cours par vidéo-conférence ? ) De plus, c’est l’occasion de reconsidérer la réelle plus-value de certains droits acquis (passer deux heures dans les bouchons, au volant d’une voiture de société, est-ce vraiment plus intéressant ou agréable que de télé-travailler ?) Enfin, c’est l’occasion d’ouvrir les yeux sur les outils qui sont déjà à notre disposition et dont on pourrait faire un meilleur usage à moindre frais.

Retrouvez ici mon ressenti sur quelques expériences marquantes vécues pendant le confinement.

Une ambiance de travail sur mesure

Comme n’importe quel jour de télétravail. Mais tous les jours.

Mon environnement de travail s’adapte à mes envies du moment dans la minute. Envie de travailler dans le calme, à mon bureau, le dos bien droit, une cruche d’eau à proximité, avec l’imprimante à moins d’un mètre de moi pour me concentrer sur une tâche? Aussitôt dit, aussitôt fait. Envie d’une ambiance plus détendue ? Genre canapé-pantoufles sous un plaid un peu chaud avec un mug de tisane pour visionner différents tutoriels en lien avec les nouvelles applications de Microsoft? Tranquille ! Envie de me donner de l’énergie pour une tâche récurrente, facile mais casse-pied ? Fais péter la musique et vas-y que je remue du popotin sur ma chaise ! Envie de faire une petite pause pour regarder les pigeons se taquiner sur le toit du voisin ? Envie de savourer la caresse d’un rayon de soleil ou la beauté du bleu du ciel ? Envie de regarder une vidéo de « Parlons peu mais parlons », de « MadMoizelle », de « la maison des maternelle », ou encore de « Max Bird » ? Je ne dérange personne. Pas même Pierre-Yves qui pour sa part travaille toujours avec de la musique dans les oreilles. Et le temps que je passe à faire des pauses, je le preste un peu plus tard dans la journée, sans que ma journée de travail ne s’allonge pour autant, vu qu’à côté, je n’ai plus à prendre le train. Bref, c’est peinard !

Non seulement je fais ce que je veux sans embêter personne, mais je n’ai personne pour m’embêter non plus. Finis, les commérages d’une demi-heure imposés par les pipelettes du service dès 9h du matin ; Fini, « Radio Twee », ses publicités criardes et les mêmes 5 hits du moment à longueur de journée et de semaine sous prétexte que « ça ne va quand même pas trop fort » et que « travailler dans le silence ou le cliquetis des claviers est anxiogène »… Même si je reconnais qu’une pause commérage fait du bien quand « Radio Twee » m’a sciée toute la journée ; et qu’en l’absence de commérages, un peu de musique, même redondante, fait un peu plaisir… être durablement éloignée de cette cacophonie est une véritable bénédiction pour mes oreilles.

Je ne suis pas pour autant isolée de mes collègues. Nous gardons contact par mail, et via Teams. Simplement, chacun travaille comme il veut et se réunit comme il veut. C’est-y- pas la belle vie ça ?

D’ailleurs parlons-en des réunions! Plus besoin de se déplacer avec tout son barda jusqu’à telle ou telle salle et attendre que Machin qui est systématiquement en retard finisse par arriver. Je reste à mon bureau, je clique sur « démarrer la réunion » et tant que je n’entends personne, je peux continuer à travailler comme si de rien n’était. De la frustration en moins, du temps en plus. Tout le monde y gagne ! Encore une fois, j’espère de tout cœur que le télétravail aura tendance à se généraliser jusqu’à devenir la norme une fois que le confinement sera terminé.

Ma grossesse en mode confinement

Pour une première grossesse, je m’attendais à être bien entourée. À recevoir des conseils et du soutien de mes sœurs, de ma mère, de copines de mon âge, de mes cousines, de mes collègues, … Je m’attendais à rencontrer des femmes qui vivent la même expérience que moi, dans ma région, via un cours de préparation à la naissance, ou de gymnastique prénatale par exemple. Mais avec le confinement, j’ai forcément beaucoup moins de contacts. Maman me recommande vivement de ne pas venir chez elle le temps de la quarantaine, et la connaissant, peut-être même un peu au-delà. Je dois donc partir de manière plus proactive à la pêche aux infos. Mon canal préféré pour ça ? YouTube. On peut y trouver aussi bien des expériences de vie (surtout d’origine française) que de la vulgarisation scientifique (Suisse, Canada, quelques pays d’Afrique). Je redécouvre des termes qui ne m’étaient pas tout à fait familiers, je découvre les pratiques de différents pays. Lorsque je me pose des questions (À quel point dois-je éviter la charcuterie et les crudités ? Quel niveau d’activité physique maintenir ? Quelle position adopter le jour de l’accouchement ? Avec ou sans péridurale ? Quid de la césarienne ? À quel point est-ce que ça va faire mal ? En quoi consiste la rétention placentaire? Quels exercices puis-je faire pour me préparer à l’accouchement ? Quelles formalités administratives?…), j’ai tout de même des réactions sur le WhatsApp familial, mais moins qu’à l’enterrement de Mamy par exemple, et puis, avec les enfants h 24 à la maison, et le stress que constitue en soi le Covid-19, toute la famille est un peu plus fatiguée qu’à l’ordinaire. Je comptais sur notre réunion de famille pascale pour glaner un max d’infos auprès des cousines de mon âge qui viennent de passer par là, mais c’est loupé.

Et dans ce contexte de Covid-19 : Est-ce-que les vitamines de grossesses sont un « must » ou un « nice to have » ? Et le test de dépistage du diabète de grossesse ? Qu’est-ce qui est le plus risqué pour l’enfant que je porte? Ou pour moi ? Puis-je sortir de chez moi le temps de me rendre à la pharmacie ou à l’hôpital (en transports en commun)? Ou bien dois-je annuler mes rendez-vous ? Suis-je dans le public à risque ? Devrais-je porter un masque ?

Bah après tout, un tas de femmes ont mené à bien leur grossesse à une époque ou en des lieux où toutes ces infos étaient/ sont bien moins accessibles! Le manque d’infos m’évite peut-être de me poser trop de questions. Et jusqu’ici, on m’a affirmé que ma grossesse se déroulait bien, donc … « Fais confiance et avance ! »

D’un autre côté, être isolée de tout le monde m’évite de me faire toucher le bide par des gens que je connais à peine sous prétexte que « ça porte-bonheur ». Ça m’évite aussi de ne plus parler que de ma grossesse à longueur de journée (moi qui n’avait pas trop envie d’être vue comme un utérus sur pattes, pour le coup c’est gagné !)

Je m’évite aussi 2 heures de transports en commun 5 jours par semaine. Oh ben zut alors, moi qui avais hâte de voyager en 1ere classe pour le même tarif ! Non je déconne ! Plus sérieusement, ne pas devoir prendre le train, c’est méga confortable ! Déjà, je n’ai plus à me soucier des horaires, des correspondances, des grèves, des retards, des trains annulés, des changements de voie, des quais surpeuplés… Je n’ai plus à supporter les conversations téléphoniques audible d’un bout à l’autre du wagon, je n’ai plus à m’asseoir à côté de gens qui cocottent (parfums, shampooing, déodorant, crème hydratantes…), sentent le tabac (ou la fraise, depuis les cigarettes électroniques), l’alcool, la transpiration ou l’urine ; ou dont la veste est couverte de poils de chiens ; ou qui reniflent, toussent, pètent tout au long du trajet ; ou qui laissent leurs valises au milieu des places à quatre sièges (surtout dans le train vers l’aéroport)… ou qui crient à leur enfants de se taire et se lèvent pour les forcer à s’asseoir. Bref, si vous êtes familiers des transports en commun, vous connaissez aussi bien que moi le profil-type des navetteurs pour qui une troisième classe mériterait d’exister. Toutes ces joyeusetés ferroviaires sont actuellement remplacées par des ballades ensoleillées avec mon chéri, dans la fraîcheur du bois de la Houssière. En plus les rues pour s’y rendre sont pratiquement désertes ! Pas de voitures en circulation (donc on respire moins de gaz d’échappement), moins de monde (moins de fumée de cigarette), moins de bruit (on peut entendre le gazouillis des oiseaux) moins d’agitation humaine (on voit plus d’animaux dans les endroits verts). Et enfin, je gagne pas mal en heures de sommeil et de table. Ça me paraît bien plus sain et équilibré, pas vous ? J’espère que lorsque les mesures de confinement seront terminées, les entreprises autoriseront plus de jours de télétravail à ceux qui peuvent se le permettre. Ça fera moins de train et de voitures de société à payer à leurs collaborateurs. Donc moins de pollution, des économies, et peut-être même qui sait ? Une productivité plus élevée due à une meilleure qualité de vie. (Laissez-moi rêver, s’il vous plait…)

Les obsèques de ma grand-mère via facebook

Le jour où Sophie Wilmès plongeait la Belgique en plein confinement, celle de mes grand-mères qui était encore en vie, était emmenée à l’hôpital pour crise cardiaque. Si j’ai bien suivi, elle a passé une journée de sursis en plus, dans le coma, et est finalement décédée dans la nuit de samedi à dimanche. L’hôpital a détecté des taches dans ses poumons, et a craint une infection au Covid-19, mais finalement, il est beaucoup plus probable qu’il se soit agi d’une simple fausse route. Comme vous le savez, le gouvernement veut éviter une propagation trop rapide du Coronavirus, afin de ne pas dépasser la capacité d’accueil des hôpitaux, et de pouvoir offrir des soins à toutes les personnes qui souffriraient du Covid-19. Les rassemblements sont donc fortement limités (distanciation sociale dans les commerces et lors de promenades, interdiction de réunir une foule dans un espace confiné etc.) La notion de famille est désormais envisagée dans ce qu’elle a de plus nucléaire. Parents et enfants vivant sous le même toit. La plupart des évènements familiaux sont d’ailleurs interdits : baptêmes, mariage, tout cela est reporté… Les obsèques sont autorisées pour les parents du premier degré et leurs conjoints. Je n’ai donc pas pu assister physiquement aux obsèques de ma grand-mère. En plus du curé, de la sacristine et du personnel des pompes funèbres, les seules personnes autorisées dans l’église étaient donc mes oncles et tantes. Mes parents, qui travaillent dans le médical, ont préféré ne pas se rendre aux obsèques, afin de limiter la propagation du virus au cas où ils étaient porteurs sans le savoir. Il y a avait donc une douzaine de personnes dans l’église, s’espaçant au mieux les unes des autres. Interdiction pour de toucher le cercueil, en revanche, mes oncles et tantes ont pu manger de l’hostie alors que le curé a toussé pendant toute la cérémonie. (Autant vous dire qu’ils n’étaient pas très rassurés, … heureusement tout le monde se porte bien à l’heure où j’écris ces lignes).

À chaque problème sa solution ! Comme nous n’avions pas le droit d’être physiquement présents, mon oncle a proposé à tout le cousinage d’assister aux obsèques en direct, via Facebook. Je lui suis reconnaissante de nous avoir donné l’opportunité de vivre ce moment en même temps qu’eux. Mais il faut reconnaître que l’émotion n’était pas aussi palpable qu’aux funérailles de mon autre grand-mère, décédée deux mois plus tôt. Les sièges largement espacés les uns des autres, se trouvaient eux-mêmes bien loin de l’autel. Et l’église était si vide qu’elle était presque plus triste que la cérémonie elle-même. De l’autre côté de l’écran, on ne savait pas très bien comment se comporter face à cette situation inédite. Je m’étais habillée de noir, comme le veut la tradition, mais j’avais tout de même mes pantoufles aux pieds. Sous la vidéo, mes cousins partageaient leur détresse face à un internet aussi pourri que le mien : L’image nous plantait tous régulièrement. Quant au son, le PC de mon oncle étant un peu trop loin de Mr le curé, on entendait difficilement ses paroles. On ne pouvait que supposer qu’elles étaient réconfortantes. Certains d’entre nous gardaient le silence, comme de coutume dans une église, d’autres papotaient dans le chat, plaisantaient même parfois, afin qu’une certaine forme de présence soit tout de même palpable. C’est une expérience tellement inédite qu’elle en devient perturbante et que le sentiment de gêne qu’on ressent à ne pas savoir comment se comporter, à se retrouver tous là et pas là en même temps, prend finalement plus d’importance que le sentiment de tristesse dû au départ de ma grand-mère. J’en retire une expérience mitigée, assez dérangeante. Ça n’a rien à voir avec une cérémonie de funérailles classique. Et la qualité d’internet en soi n’y est pour rien. Le fait d’être physiquement rassemblés en un seul lieu, d’avoir la musique qui nous transporte, ça contribue à amplifier nos émotions. On est tous d’accord pour dire que l’ambiance n’y était vraiment pas et qu’on se réunirait dès que possible pour honorer plus dignement la mémoire de la défunte.

Plusieurs jours après les obsèques de ma grand-mère, j’ai repensé aux funérailles de Johnny Hallyday, qui avaient été diffusées à la télévision. Ou aux différentes messes, diffusées à la radio. Et à la réflexion, je ne pense pas que ce soit le fait de passer par la technologie qui ait rendu tellement nulles les obsèques de ma grand-mère, mais plutôt cette absence de présence physique aux côtés des membres de la famille les plus endeuillés. Dès lors, je me demande si, même passé le confinement, il ne serait pas intéressant que les églises investissent dans la technologie pour diffuser elles-mêmes les événements tels que funérailles, mariages, baptêmes, communions, messes de Noël, Pâques, Assomption… ou même les messes classiques, pourquoi pas ? En faisant à un moment donné une petite place aux fidèles qui sont présents par vidéoconférence. (Un peu comme les télévisions et radios font une petite place à leurs téléspectateurs et auditeurs dans certaines émissions) Cela permettrait aux personnes âgées ou à mobilité réduite de rester membres de leur paroisse respective. Malgré la neige, le verglas, le mauvais temps, malgré que l’un ou l’autre vit à l’étranger. Ça semblera peut-être loufoque à certains d’entre vous, mais la technologie est déjà présente dans les églises : la plupart des curés ne montent plus dans la chaire de vérité pour leur prêche. Ils utilisent micros et baffles. Les orgues aussi font appel à la technologie. Alors bon, pourquoi pas ? Au moins, ça permettrait de mettre progressivement en place de nouvelles conventions sociales, propre à ce genre de situation un peu spéciale. On saurait quel genre de comportement adopter depuis nos écrans.