Précarité, protections menstruelles et oestro-progestatifs

Ca y est. Elles sont de retour. Après neuf mois de grossesse et 5 mois d’allaitement, et alors que les couches culottes lavables de mon fils deviennent plus facile à laver, mes règles sont de retour, et je peux à nouveau nettoyer mes serviettes, mes culottes et mes pantalons…Vous savez quoi? Ca ne m’avait pas manqué! Je ne vais quand même pas vous parler de mes règles, si? Pourquoi pas? Ce serait inconvenant? En 2020, parler d’un sujet qui concerne la moitié de la population durant la moitié de sa vie c’est inconvenant? Allons, allons, pas de tabous entre nous.

Si le hashtag #balancetonporc a permis de dénoncer le harcèlement sexuel, puis à mené à une mise en valeur des femmes dans différents domaines, une autre lutte à la mode chez les féministes, c’est la taxe rose et, in fine, la gratuité des protections menstruelles, en particulier dans les milieux précarisés.
La première fois que j’ai entendu parler de cette lutte, j’étais stupéfiée d’apprendre que certaines personnes puissent être tellement pauvres qu’elles n’aient même pas de quoi s’acheter des protections menstruelles. (Pour vous donner un ordre de grandeur, un paquet de 32 serviettes coûte à peu près l’équivalent d’un grand pain, ou le cinquième d’un paquet de cigarettes). Loïse Delacotte, du journal Comopolitan parle de 1500 à 2000 euros dépensés par une femme au cours de sa vie en protections hygiéniques (a). À l’échelle d’une vie, ça ne me semble pas un budget énorme (l’équivalent de 3-4 mois d’allocations de chômage?). Et puis, la lutte féministe consiste surtout à souligner qu’on n’a pas choisi d’être une femme, et qu’il est donc injuste qu’on doive payer à cause de notre condition de femme.
Rapidement, j’ai appris que des protections étaient déjà offertes aux SDF par les bénévoles de la croix rouge, mais récemment, j’ai découvert que cette demande existait aussi au sein du monde étudiant. Et j’ai trouvé ça un peu plus surprenant. Quand on sait qu’une année scolaire dans le supérieur coûte 9000 euros (b), on peut supposer que l’équivalent de 13 pains ne va pas tellement alourdir la charge financière.
Mais bon, des protections hygiéniques gratuites, ce n’est pas moi que ça va déranger, quitte à payer des impôts, autant que ça finance des trucs qui pourraient me servir un jour! Le problème étant de décider quelles protections devront être disponibles gratuitement. Les moins chères ? les plus « made in chez nous »? les plus respectueuses de l’environnement? les plus respectueuses de la flore vaginale? ou la marque préférée de notre ministre de la santé? ou peut-être encore celles qu’on veut du moment qu’on peut fournir notre ticket de caisse à la mutuelle, comme c’est le cas avec les préservatifs? À moins que cette épineuse question puisse être évitée tout simplement en évitant d’avoir nos règles.

Saviez-vous que sous contraceptif hormonal, nous n’avons pas à proprement parler des « menstruations », mais plutôt ce qui s’appelle une « hémorragie de privation »?(c) Et qu’il existe des contractifs hormonaux qui ne provoquent pas cette hémorragie de privation? (les oestro-progestatifs)

Il est désormais possible de choisir d’avoir des hémorragies de privation ou de se passer de saignement sans danger en prenant une contraception oestro-progestative sans interruption

Martin Winckler, Tout ce que vous vouliez savoir sur les règles… sans jamais avoir osé le demander, collection « La Santé en questions », Fleurus 2008. ; cité par Wikipédia, page consultée le 30 décembre 2020. Https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9morragie_de_privation

Sur son blog (d), Martin Winckler explique qu’au départ, la pilule était proposée en continu, mais que certaines femmes ressentaient des effets secondaires similaires à ceux d’une grossesse (nausées, seins lourds, etc) et que l’arrêt de la pilule une semaine sur quatre, en provoquant une hémorragie de privation, les réconfortaient dans l’idée qu’elles n’étaient pas enceintes. Martin Winckler précise cependant qu’en fait, ces hémorragies de privation ne prouvent en rien l’absence de grossesse. Elles sont juste le témoin d’une chute d’hormones.

Une femme qui n’a pas les moyens financiers de payer tous les mois des protections menstruelles pourrait donc éviter tous les mois des frais liés à cette hémorragie de privation en utilisant en continu un contraceptif oestro-progestatif, qui est lui déjà remboursé par la mutuelle. Alors oui, c’est un d’abord un contraceptif, mais quand on n’a déjà pas de quoi se payer des protections périodiques, a-t-on les moyens d’élever un enfant convenablement ? Si oui, au prix de quel sacrifice? Donc finalement, c’est peut-être un bon combo.

Reste l’épineuse question du traitement hormonal, que certaines (dont je fais partie) préfèrent éviter à cause de certains effets secondaires (qui sont repris dans cet article), mais ça, c’est un autre débat.

  • (a) https://www.cosmopolitan.fr/calculez-combien-vous-avez-depense-en-produits-hygieniques-depuis-vos-1eres-regles,2011868.asp
  • (b) https://www.abaque-isere.com/combien-coute-lannee-scolaire-de-votre-enfant
  • (c) https://fr.wikipedia.org/wiki/Hémorragie_de_privation
  • (d) http://www.martinwinckler.com/spip.php?article1156